Appel au temps de la conscience
Nous
allons exposer brièvement trois études qui indiquent une fin proche
de l’humanité, si les autorités politiques internationales
persistent à maintenir le même cap de civilisation. En 2003
l’astrophysicien H. Reeves observe des données climatiques, le
célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) utilise en 2004
des données économiques, et le cancérologue D. Belpomme projette des
données sanitaires la même année.
Les
chercheurs du MIT,
auteurs du rapport du Club de Rome (a), rappellent qu’en 1972 la
fin de la croissance économique mondiale leur apparaissait comme une
éventualité très lointaine, et qu’en 1992, lors de la première
réactualisation de leur rapport, ils découvraient que l’économie
humaine avait « dépassé les limites de capacité de charge de
la planète » vers 1980 (b), et que très prochainement
l'économie physique entrerait en collision avec les limites des
ressources naturelles si « une politique internationale
judicieuse » ne ramenait pas « le monde en
territoire soutenable ». En 2004 leurs conclusions sont plus
pessimistes. Après l’échec du Sommet de la Terre à Rio de
Janeiro en 2012 - sur fond de grave « crise » économique
- c’est à la baisse que nous devons réviser leurs prévisions. La
première figure donne les prévisions si nous ne changeons rien à
notre économie. Les cinq courbes nous indiquent que nous ne nous
remettrons pas de la « crise » actuelle. La production
industrielle va continuer à décroître avec la nourriture
disponible, la population mondiale diminuera vers 2025, voire dès à
présent selon le point rouge.
La
deuxième figure au verso montre également que la population a
augmenté fortement depuis 1900, mais deux courbes seulement parmi
les dix scénarios envisagés ne régressent pas fortement après
2075. Idem pour le bien-être humain qui stoppe vers 2025 et qui
régressera de plus d'un siècle en 2100.
Les
principaux facteurs responsables sont
nos modes de production et de consommation, qui font déborder les
exutoires et les rendent de plus en plus impuissants à éliminer la
pollution et les déchets générés par notre économie. De plus, la
déforestation, la stérilisation des terres arables (sécheresses,
agrochimie et pollution, épuisement, salinisation, érosion,
goudronnage, bétonnage), la pollution des eaux (lacs, fleuves, mers,
nappes souterraines), diminuent la production agricole pendant que
les ressources fossiles s’épuisent. De ce fait, le coût de
l'exploitation des ressources terrestres augmentera au point de
bloquer la croissance et d’augmenter la mortalité (maladies,
faim). Nous savons pourtant que vers l’an 2000 – dans un monde où
la richesse était répartie très inégalement – l'humanité
entière dépassait
déjà
de 20% la biocapacité
terrestre. Il aurai fallu à l’époque 1,2 terre pour rendre notre
économie durable dans le temps. En 2025 les deux tiers de la
population mondiale manqueront d'eau
douce, alors que vers l'an 2000 un tiers en manquait déjà. Comme il
faut mille tonnes d'eau douce pour produire une tonne de céréales,
bon nombre de pays, jadis autosuffisants sur le plan alimentaire,
sont obligés d'importer dès à présent leurs céréales. La
raréfaction de nourriture s'étendra aux pays développés.
L’astrophysicien
Hubert Reeves
donne trois scénarios futurs possibles (d). Le premier est
celui que nous vivons et qui semble inéluctable. La température
augmentera de 3 à 5°C d’ici 2100. Des îles et des villes
disparaîtront, la faune et la flore des zones chaudes migreront vers
le nord, mais la majeure partie d’entre elle disparaîtra. La
population humaine chutera parce qu’elle aura du mal à s’adapter
et à s’approvisionner en eau et en nourriture. Deuxièmement la
température atteint 60 à 70°C. La vie reculera d’un milliard
d’années, et seules certaines algues et bactéries survivront.
Comme il restera cinq milliards d’années de vie au soleil, on peut
envisager un retour de l’homme. Troisièmement la température
s’élève de plusieurs centaines de degrés, et toute vie sera
anéantie, l’humanité ne réapparaîtra probablement pas.
Le
scénario du professeur Belpomme
(c) prend en compte l’incidence du réchauffement climatique sur la
santé humaine. Selon Belpomme, avant que la température augmente de
5 à 10°C, l’humanité aura disparu suite à de très nombreux
problèmes de santé. Effectivement, l’augmentation de la chaleur
favorise la multiplication et la dissémination des bactéries, des
virus et des parasites, et l’apparition de maladies tropicales
inconnues sous nos latitudes. Nous pouvons craindre un « sixième
épisode d’extinction biologique ». De plus, Belpomme affirme
que les maladies d’aujourd’hui ne sont plus naturelles mais
presque toutes artificielles, et que rien n’indique que les futurs
progrès de la science permettront de les éradiquer comme nous
l’avons fait dans le passé pour les maladies infectieuses. Depuis
la Seconde guerre mondiale, le nombre des nouveaux cas de cancer n’a
cessé d’augmenter. Ce phénomène concerne tous les pays fortement
industrialisés et s’étend aux pays en voie de développement.
« Nous nous trouvons confrontés à un problème qui n’est
plus d’ordre médical, mais sociétal. » - « Ecologie
et santé, environnement et cancer sont liés. » dit-il. Parmi
les 150 000 molécules utilisées par l’industrie et l’agriculture,
seulement quelques milliers ont été testées pour leurs effets
toxicologiques.
Le
temps de l’évolution :
L’univers (observable) a 13,7 milliards d’années et le système
solaire en a cinq. La terre, satellite du soleil, a 4,5 milliards
d’années. Durant trois milliards d’années la terre n’a porté
que des organismes unicellulaires comme les bactéries. La vie que
nous connaissons est apparue il y a un milliard d’années.
L’évolution compte cinq extinctions biologiques provoquées par
des catastrophes astronomiques ou géologiques. La dernière, qui date
de 65 millions d’années, est due à la collision de la terre avec
une météorite géante, qui aurait exterminé 50% des espèces
vivantes, dont les dinosaures. Grâce à elle, sont apparus les
petits mammifères dont les préhumains sont issus. Nos lointains
ancêtres n’ont pas plus de sept millions d’années. La durée
d’une vie humaine - environ 80 ans - est insignifiante comparée
aux échelles astronomique, géologique et biologique. Elle
correspond également au début de la consommation de masse, avec
l’arrivée dans les foyers modestes du réfrigérateur, de la
télévision, de la machine à laver le linge, des robots ménagers,
et il est indéniable que ces nouveautés ont augmenté le bien être
des femmes et des hommes. Mes contemporains, qui ont toujours vécu
sans compter avec les progrès de la mécanique, de l’électricité,
de l’aviation et de l’informatique, ne comprendraient pas
pourquoi il faut impérativement limiter leur usage dès à présent.
Emprisonnés dans une culture et une économie qui n’envisagent plus
la marche des sociétés occidentales qu’en terme de consommation
et de croissance du PIB (Produit intérieur brut), nous avons appris
à confondre le bien être avec le matérialisme, voire le
consumérisme.
Le
temps de la destruction : C’est
la recrudescence de certaines maladies, l’apparition de nouvelles
affections, de nouveaux accidents graves pour la santé, le
réchauffement climatique et la disparition des ressources, qui
incriminent notre économie. Mais la dangerosité pour la santé
humaine de certaines techniques diffusées très largement est
minimisée ou niée par les industriels qui ont développé ces
produits et investi pour les commercialiser. Les lobbies freinent les
décisions politiques utiles pour réorienter notre modèle de
production et de consommation. De plus, l’Etat est une machine très
lente à réagir. Voilà plus d’un demi siècle que des chercheurs
tirent la sonnette d’alarme sur la dangerosité de certaines
applications sans grand résultat. De l’imposture
technico-industrielle nous avons basculé dans l’escroquerie
économique et l’exploitation odieuse des consommateurs. La
médecine est restée essentiellement curative ou plutôt palliative
parce qu’elle est incomplète, voire fausse. « La santé de
nos concitoyens est vue sous l’angle de la rentabilité économique,
non sous celui de l’humanisme ». Effectivement, les lobbies
pharmaceutiques font aussi recette. « C’est l’homme au
service de l’industrie, non l’industrie au service de l’homme. »
dit Belpomme. Le profit immédiat tourne le dos au bon sens et à
l’efficacité économique sur le long terme.
Le
temps de la conscience :
Sans
changement rapide, les perspectives de l’avenir de l’humanité
seront désastreuses. Pourrons-nous l’éviter ? Si oui, il appartient aux médias sincères, au monde de l'éducation et aux
instances qui pratiquent l'éducation citoyenne d’informer nos
concitoyens sur l’escroquerie historique dont nous sommes victimes.
Les
travaux récents des chercheurs devraient motiver l’apparition d’un
temps de la conscience pour réfléchir sur l’avenir de l’humanité
entière afin de réagir collectivement. La
mise en œuvre du plan de sauvetage de la planète et de ses
habitants dépend de la réorientation rapide de toutes les
recherches technologiques, de l’abandon de certaines techniques, et
de la mise en œuvre d’un nouveau modèle politique affranchi du
monde financier. Tous les peuples de la terre doivent cesser de faire
confiance à des hommes de pouvoir, et prendre dès à présent leur
destin en main. Le mouvement en faveur de notre survie ne peut être
qu’international. Une nouvelle Constitution pilote devrait
permettre, avec les technologies de communication, la mise en place
d’une démocratie directe.
Notes : a) D & D Meadows, J Randers, The Limits to Growth, 1972 & Halte à la croissance, pour la version française. The Limits to Growth, the 30-Year Update, 2004 ; Les limites de la croissance, Rues de l'échiquier, 2012, pour la version française.
b)
Voire
Notre
empreinte écologique, Mathis
Wackernagel et William Rees, éditions Sociétaires, Montréal, 1999.
c)
Pr Dominique Belpomme, Ces
maladies crées par l’homme,
Albin Michel, 2004.
d)
Hubert Reeves,
Mal de terre,
Seuil, 2003, cité par Belpomme.