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12 septembre 2012

Les mafias financières – Fin des démocraties représentatives

« Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde », titre d’un documentaire diffusé par la chaîne Arte*, me fait reprendre la plume. Tous les États de droit ont sécrété des organisations criminelles qui les parasitent de l’intérieur. Mais l'équilibre des sociétés est menacé quand le ver devient plus gros que le fruit. Initialement, seules les organisations criminelles terroristes poursuivent un but idéologique ou politique. L’objectif premier des mafias est d’échapper à la pauvreté, mais celui des banques d’affaires est la pure expression de la cupidité. Si ces organisations n’ont pas pour objectif la conquête du pouvoir politique, elles ont néanmoins infiltré les gouvernements tels l'État fédéral américain et les organisations internationales comme le FMI, la Banque mondiale, la Banque européenne, etc.

Le montant annuel de l’argent blanchi dans les paradis fiscaux était estimé à 3000 milliards de dollars en 2006 ; ce n’est que le haut de l’iceberg. Dans de nombreux pays environ 70% des transactions financières se font en dehors du circuit bancaire classique. Rappelons qu’un paradis fiscal n'impose pas ou très peu les revenus, et/ou pratique le secret bancaire. Le premier patron de France, Bernard Arnault, qui possède la plus importante fortune européenne, sait pourquoi il demande la nationalité belge. Andorre, la Belgique, les îles Anglo-normandes du Royaume-Uni, Le Liechtenstein, le Luxembourg, Monaco, la Suisse sont des paradis fiscaux. Le Liechtenstein par exemple - qui est membre de l’Union européenne - compte 34000 habitants et environ 80000 holdings. Son PNB par habitant est l’un des plus élevés du monde. A côté des mafias secrètes, des paradis fiscaux qui existent toujours - en dépit des grandes déclarations de nos politiciens - des organisations criminelles bancaires contrôlent de leur côté des flux de capitaux immatériels depuis les grandes capitales financières : Wall street à New York, la City à Londres, Paris, etc.

Toutes ces entités parasites se nourrissent du travail et des richesses produites par les sociétés de droit constituées de gens normaux comme vous et moi, pour qui l’impunité juridique n’existe pas. Certaines banques d’affaires sont les auteurs de la « crise financière » et des crises économiques, sociales et politiques sans précédent qui ont suivi. Ces banques ne recrutent pas en prison dans l’univers du banditisme classique, mais des cols blancs, de préférence des mathématiciens sortis des plus prestigieuses écoles. Les recrues sont embauchées pour opérer dans un univers légal mais immoral, celui de la finance ou des marché d’actions. Elles s’appuient sur la dérégulation financière, les nouvelles technologies de communication, l’ouverture des économies sur le monde, la sophistication des marchés financiers, les privatisations. L’innovation technologique est responsable du développement des échanges financiers automatisés à très grande vitesse, qui ont accru l'écart des prix affichés entre les cours des bourses et les fondamentaux de l’économie. La mondialisation capitaliste a facilité l’expansion des banques d'affaires et leur globalisation à l’échelle internationale. Revenons sur la banque Goldman Sachs (GS) qui qualifiait dans ses murs les opérations boursières qui sont à l'origine de la « crise » de « casse du siècle ». J’avais baptisé cette « crise » dans mon Guide de la révolution non-violente*, de « gigantesque escroquerie du XXIème siècle », alors que les médias parlaient à l’époque de faillite virtuelle n’ayant aucune incidence sur l’économie réelle. Depuis, nous avons constaté la faillite de nos économies et des journalistes ont fait leur travail.

Dans les années 1990 Goldman Sachs (GS) a recruté des mathématiciens qui ont créé des algorithmes financiers pour piloter par ordinateur des ordres d'achat et de vente à très grande vitesse sur les marchés boursiers. L'objectif : gagner de l’argent par tous les moyens, en se livrant à la seule spéculation financière, sans aucune moralité, sur tout ce qui s'achète et se vend. GS possède 30000 salariés et conseillers présents dans le monde entier et des clients sélectionnés. Elle opère ses transactions souvent à la frontière de la légalité et parfois avec la complicité des gouvernements, celui de Bush fils par exemple. Pour comprendre le phénomène « subprimes », rappelons quelques mécanismes bancaires. La banque exerce trois fonctions principales. 1) Elle garde à l’abri l’argent et les valeurs de ses clients. 2) Elle prête l’argent des épargnants aux investisseurs ; c’est le marché primaire. 3) Quand la demande de liquidités de ses clients dépasse ses réserves d’argent, la banque revend sur le marché secondaire ses créances (prêts) moyennant une part de ses bénéfices (escompte). 4) Une dernière activité bancaire nuisible sur le plan social à laquelle se livrent les banques d’affaires, est la spéculation financière, qui détourne l'argent de l'investissement productif (immobilier, outils de travail) en détruisant les emplois et augmentant la pauvreté. Elle peut – par exemple - provoquer la rareté alimentaire en faisant monter les cours des céréales artificiellement et provoquer des famines. Les « subprimes » sont le fruit des pratiques 3 et 4.

Les « subprimes » désignent des emprunts risqués dont l’expansion commence en 2004 et se termine mi-2007. Ce sont des prêts immobiliers accordés à des ménages pauvres - principalement hispaniques et noirs américains - dont les ressources étaient jugées très insuffisantes pour assurer le remboursement de leur crédit. Les banques misaient sur la hausse de la valeur de ces biens (inflation) et leur revente avec profit en cas d’impayé ; ce qui a fonctionné un temps. La « crise » commence en 2007 avec la ruine de 3 millions de foyers américains (7 millions finalement) qui ne pouvaient plus rembourser leur crédit bancaire, et qui ont été pour beaucoup d’entre eux jetés à la rue. Les faillites en chaîne augmentent les nombres de maisons à vendre et font chuter les prix de l’immobilier. De ce fait, les banques ne peuvent plus couvrir leurs prêts en revendant les maisons, ni vendre les créances à d'autres banques pour trouver des liquidités. Une crise du crédit commence et certaines banques sont au bord de la faillite. C'est à ce moment que GS entre en scène en trouvant une parade pour se débarrasser des créances bancaires indésirables. Début 2007 GS créée un nouveau produit financier - Abacus 2007 AC-1 (soutenu par les agences de notation américaines) - qui est le fruit d’un mélange de créances risquées (CDS) et moins risquées (CDO), le tout regroupé dans un même portefeuille (titrisation) vendu par tranches à des investisseurs dans le monde entier. A ce jeu GS a gagné des milliards pendant que certaines banques porteuses d'Abacus ont été par la suite ruinées. De ce fait, de nombreuses banques ont reçu de l’argent public américain pour ne pas faire faillite. Incroyable mais vrai, GS qui a fait de gros profits et non des pertes en vendant de l'Abacus, a reçu 13 milliards* de dollars grâce à Henry Paulson, son ex-président, devenu le ministre des finances du Président Bush fils. Effectivement, grâce à Henry Paulson l’État américain a renfloué AIG, une des principales compagnies d’assurances américaines, filiale de GS. Mais ce n’est pas tout, le même Henry Paulson a refusé de venir en aide en 2008 à la banque Lehman Brothers, principale concurrente de GS, qui, de ce fait, a disparu. Les profits de GS au total se sont élevés à 17 milliards* de dollars. Un autre Paulson - John Paulson celui-là- qui a participé à l’élaboration d’Abacus a fait gagner à sa société Paulson & Co, un milliard de dollars.

L'autorité boursière américaine la SEC (Securities and Exchange Commission) déposait en avril 2010 une plainte pour « fraude » à l'encontre de la banque d'affaires la plus célèbre au monde. Vengeance interne ou pure provocation, GS a rendu publics des courriels compromettants de l’un de ses principaux agents le Français Fabrice Tourre (centralien de 27 ans au moment des faits), qui s’est retrouvé le seul inquiété par la justice américaine sans être condamné. Pourtant, à la mi-juillet 2010, GS a payé au Trésor américain 550 millions de dollars pour faire retirer la plainte de la SEC. Une plaisanterie au regard des bénéfices encaissés par GS et ses acolytes. Le gouvernement Obama n'a pas réussi à faire plier les banques parce que - comme nous l'apprend le documentaire d’Arte - six personnalités politiques issues de la banque GS sont à des postes clés de l’administration Obama. De plus, Obama n’a pas le Congrès dans sa poche pour mener les réformes de la finance. Afin de redresser l’économie américaine, Obama n’a pas même réussi à recevoir la contribution qu’il demandait aux treize principaux banquiers américains qui ont renoué avec d’insolents bénéfices. Le petit contribuable américain n’a pas fini de payer les retombées du « casse ».

En 2009 le « casse » s’étend à l’Europe. Les États européens viennent en aide aux banques en difficulté. La Banque privée allemande IKB – par exemple - qui possède des parts Abacus, perd 150 millions* de dollars et ruine de nombreux petits épargnants. Elle est nationalisée. Les sommes versées aux banques en difficulté creusent l’endettement des États européens. GS envoie ses hommes dans le pays le plus touché par la crise - la Grèce - avec pour mission de faire baisser artificiellement sa dette qui atteint 100% de son PIB pour 60% autorisé. Par un tour de passe-passe (échange de swaps**) 4 milliards* de dollars sont effacés temporairement de l’ardoise. GS empoche 600 millions de dollars d’honoraires payés par le contribuable. Le documentaire d’Arte montre qu’Eurostat qui a en charge le contrôle de la comptabilité des États européens, et Christine Lagarde qui préside le FMI, n'ont rien décelé de frauduleux dans le maquillage de la dette grecque. Autre conséquence de « la crise des dettes souveraines de la zone euro », la banque franco-belge-luxembourgeoise Dexia - renflouée en 2008 après la « crise des subprimes » - possède 115 milliards* de dollars d’actifs toxiques en pleine crise  (15,6 en 2012). Dexia n’a pas résisté à la baisse de sa note par l’agence américaine Moody’s. La branche française Dexia crédit local (DCL), spécialisée dans le financement du secteur public, qui avait fusionné avec une banque belge en 1996, est en cours de démantèlement. C'est la crise du crédit pour les collectivités françaises. En 2011 l’Organisation internationale du travail évaluait à 200 millions le nombre de chômeurs dans le monde, dont 22,71 millions d’Européens. C’est ainsi qu’au printemps 2011 a éclaté la colère de la société civile mondiale avec les « indignés », qui a commencé en Espagne, le pays le plus touché par le chômage en Europe, avant de gagner la Grèce, l’Italie, Israël, le Royaume-Uni et les États-Unis où le quartier d’affaires de Wall Street a été bloqué par les manifestants fin septembre 2011. En octobre 2011 des manifestations se sont tenues dans 82 pays, les manifestants scandaient « Tous unis pour un changement global ! ».

Le « casse » des subprimes ne suffisait pas : en 2008 les spéculateurs ont provoqué artificiellement la rareté alimentaire et les prix des céréales se sont envolés et ont déclenché des émeutes de la faim dans les pays pauvres. Dans ma lettre adressée au Président Obama en juin dernier, je montre la corrélation entre les courbes de l’augmentation du prix des céréales et l’augmentation de la faim dans le monde. Qui spécule sur les céréales ? Vous avez la réponse. La baisse de la consommation, ajoutée à la rareté du crédit bancaire, a ralenti l’économie, augmenté le chômage, et provoqué des crises politiques. Les peuples acculés ont protesté, des gouvernements sont tombés. La peur de la mondialisation provoque un repli identitaire, augmente le nationalisme et la « droitisation » des partis politiques, les partis d’extrême droite s’affirment comme après la « crise » de 1929. Le tout intervient sur une planète malade du réchauffement climatique, où la désertification avance, où l’eau se fait rare pour les paysans du Sud, alors que les crises alimentaires en Afrique surviennent dans un contexte de production céréalière record (de quoi nourrir 13 milliards de personnes), selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Mario Draghi, ex-vice-président européen de GS (2002-2005), impliqué dans les swaps** de la dette grecque, a été élu en juin 2012 à la tête de la Banque centrale européenne par le Conseil européen. Non ! GS ne dirige pas pour autant le monde ; une gigantesque panne informatique ou un simple virus la réduirait à néant. Le vide juridique entretenu par nos gouvernements de droite comme de gauche est également en cause. Une sérieuse crise morale de nos représentants politiques et des peuples qui les maintiennent au pouvoir paralyse la démocratie. Volonté délibérée de se tirer une balle dans le pied, faiblesse morale ou incompétences de nos élus, aucune loi n’est prévue pour lutter contre les fléaux énumérés. De plus, les gains financiers sont moins imposés que les revenus honnêtes, à croire que les politiques encouragent les criminels à tout démolir. On inventera peut-être une autre civilisation quand le ver aura dévoré tout le fruit. Le Guide de la révolution non-violente* donne des solutions pour devenir un citoyen responsable et mon prochain livre s’intéressera aux institutions.

Notes : *Chiffre trouvé en euros converti avec un coefficient de 1,3$=1€ ; **swap en devises par lequel on échange des taux d'intérêt à moyen ou long terme libellés dans deux devises différentes. 
Remarque : Les chiffres ont été mis à jour par rapport à la première édition papier distribuée.
Sources : documentaire de la chaîne Arte (franco-allemande), diffusé le 4 septembre 2012, « Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde » de J. Fritel et M. Roche, 2012 ; fao.org ; Le Monde.fr ; Echos.fr ; lefigaro.fr Bilan du Monde, éd. Le Monde, 2012 ; revue Sciences Humaines, trimestriel n°2, La criminalité internationale, 2006 ; Guide de la révolution non-violente, Jean-Paul Alonso, 2008 ISBN 9782952513913.