FEUILLE du PIC (Programme International du Coeur ou du Citoyen)

TRAITE de POLIQUE ALONSO - Coronavirus COVID-19, Drawdown, Démocratie, Écologie, Environnement et Climat, Crise financière, Décroissance, Inégalités Nord-Sud, Consumérisme, Productivisme, Pacifisme, Djihad, Spiritualité, Non-violence, Charte du consommateur responsable, Végétarisme, Commerce équitable, Ville en transition, Gandhi, Non-violence, Résistance civile.

04 juillet 2007

La décroissance économique

La maîtrise de l’énergie travail (vapeur, électrique, pétrochimique, nucléaire), puis de l’information avec l’informatique ont entraîné des révolutions industrielles sans précédent, qui ont progressivement refaçonné le monde et abouti à la mondialisation. Sont apparus la concentration de l’outil de production, la concentration des capitaux, l’apparition du prolétariat puis les syndicats ouvriers pour porter leurs revendications. L’usine et le travail à la chaîne (fordisme et taylorisme) ont confisqué l’outil de production, baissé les qualifications, fait disparaître quantité d’artisans et de travailleurs indépendants, augmenté le chômage. A cela s’ajoute ensuite l’industrialisation de l’agriculture avec les machines et les produits chimiques, la monoculture, qui ont détruit la paysannerie, endommagé la terre, continué à détruire le tissu des échanges locaux, et accru la pauvreté. Les matières premières, véritable dote de l’humanité sont devenues un enjeu stratégique clé pour les grandes puissances industrielles, et le pillage des pays du Sud a été orchestré.

La surproduction est devenue tellement importante, que le pouvoir d’achat des travailleurs n’a jamais suffi pour écouler les produits manufacturés. Les banquiers ont inventé une exploitation supplémentaire, le crédit, qui pille et surendettement les ménages. Les publicistes sont passés maîtres dans la manipulation des masses médias et l’éducation des consommateurs à la surconsommation de biens dont ils n’ont pas besoin. Les grandes fortunes ont acheté les journaux et les grands médias pour mieux asseoir leur emprise psychologique et leur empire militaro-industriel. Mieux encore, ils ont convaincu les politiciens de gauche et de droite que la croissance économique ou du PIB (produit intérieur brut) est la solution pour combattre le chômage. Alors que les causes du chômage ne sont pas conjoncturelles, mais structurelles.

L’idée majoritaire que la stratégie de la force armée est supérieure à toutes les autres stratégies de défense a fait que la recherche et le développement ont été principalement mis au service des recherches militaires. Les progrès de la science ont profité à l’industrie militaire et aux marchands d’armes, et à la surproduction d’objets manufacturés jetables et renouvelables, laissant croire que les ressources naturelles sont inépuisables, et que la pollution et les déchets qui en résultent n’ont aucun prix environnemental.

Sont nées ensuite les ONG pour venir en aide aux nouveaux déshérités du sud de la planète, massacrés ou affamés. Après la décolonisation nous avons inventé le commerce équitable pour venir en aide aux petits exploitants agricoles du Sud. Mais la production agricole pour le Nord empêche les cultures vivrières et les échanges inter-sud de se développer et entretient la misère. Le commerce dit « équitable » devient très inéquitable et anti-écologique quand il importe de l’artisanat du sud vers le Nord. Pendant que l’Afrique piétine dans le sous-développement, l’Occident avec la complicité des dictateurs africains, des paradis fiscaux, poursuit le pillage et le gaspillage des matières premières au nom de la croissance du PNB des pays du Nord et des pays émergeants.

Nous savons que les activités humaines, depuis toujours, engendrent une pollution et des déchets, qui puisent dans les écosystèmes. Mais depuis les années 1980 cette destruction ne permet plus à la terre de renouveler ses richesses naturelles, la biosphère s’appauvrit, quantité d’espèces animales et végétales disparaissent, la terre se réchauffe et bouleverse les climats, l’humanité est menacée. La médecine a amélioré la longévité humaine, mais de nouvelles maladies apparaissent et certaines comme le cancer augmentent de manière inquiétante. Les dépenses de santé progressent plus vite que l’augmentation du PIB. L’accélération du rythme de vie, et la quantité croissante de travail demandée aux cadres et aux salariés, fait que les français sont les plus gros consommateurs d’anti-dépresseurs et de médicaments. Mais le système économique actuel est plus soucieux de vendre des médicaments que de s’occuper des mesures à prendre pour éviter les maladies (prophilaxie).

A cela s’ajoute une fracture sociale entre ceux qui ont la chance d’avoir un travail, si j’ose encore dire et ceux qui n’en n’ont pas. S’ajoute la fracture sociale et économique entre le Nord et le Sud affamé par les dictateurs, l’injustice économique, les guerres organisées, la spoliation de son sous-sol et de son agriculture, etc. Parfois des initiatives humanitaires maladroites enrichissent les dictateurs et entretiennent l’illusion que l’Occident peut avoir la conscience tranquille. Près d’un milliard d’humains manquent de ressources vitales et cent mille d’entre eux meurent du sous développement chaque jour.

Pour maintenir sa capacité de production le Nord où vit 20% de l’humanité accaparent 80% des richesses terrestres en prônant toujours à des fins d’enrichissement outrancier, une croissance économique illimitée sur une terre aux ressources limitées et à la population qui croit de manière exponentielle. Nous sommes dans l’impasse générale tout le monde le sait ou s’en doute. D’aucuns avancent qu’il faut intégrer le déficit environnemental et social dans les indicateurs économiques et ne plus se contenter du PNB (produit national brut) ou du PIB. Mais trop rares sont ceux qui font la corrélation entre la croissance économique et la destruction de la nature, entre l’opulence du Nord et la pauvreté du sud.

Des universitaires ont mis au point dans les années 1990 le calcul de l’empreinte écologique (voir le chapitre sur ce sujet). Il en ressort que si nous voulions étendre le mode de consommation des américains à tous les terriens, il nous faudrait multiplier par cinq les ressources naturelles de la terre afin de soutenir la croissance. Cela signifie en d’autres termes, que pour rétablir l’équilibre Nord/Sud, ces mêmes américains devraient diviser leur consommation ou leur empreinte écologique par cinq et les Français par trois. Les destructions écologiques, qui démontrent que le système économique mondial, qui nous gouverne nous entraîne vers l’asphyxie générale et la disparition de l’espèce humaine ne sont plus un secret pour personne.

Vous commencez peut-être à comprendre pourquoi certains osent parler de la décroissance économique pour les pays industrialisés. Un vrai danger pour les patrons et les politiciens qui prétendent créer de la croissance pour diminuer le chômage et affirment que le pouvoir d’achat qui augmente est bon pour l’économie et le moral des français. Après les publicités fracassantes sur les panneaux, dans les journaux, à la radio, à la télévision, quelle frustration de ne pas être un consommateur zélé et béat , qui pousse son chariot dans les rayons d’un supermarché. La décroissance est aussi une hérésie pour les syndicats ouvriers, qui luttent contre les patrons pour une meilleure répartition du capital et l’augmentation du pouvoir d’achat ; il faut bien consommer pour produire, et plus on produit plus on consomme ; hérésie pour les appareils politiques de gauche marxistes ou trotskistes qui rêvent d’une économie productiviste planifiée ou autogérée.

Vous comprenez pourquoi la majeure partie des antilibéraux à gauche de la gauche, qui sont restés avec la culture des appareils politiques et syndicaux, n’ont aucune prise sur le réel ou le système capitaliste qu’ils dénigrent. La plupart sont des collaborateurs du productivisme et des consuméristes et bon nombre d’entre eux se disent productivistes. Notez que le terme antilibéral est une négation et n’affiche aucune valeur nouvelle de modernité. Les humanitaires aussi grincent des dents en dénonçant cette hérésie qui veut faire décroître la consommation des plus pauvres, voire augmenter le chômage. Les nantis tiennent le même langage pour pas qu’on affaiblisse leur pouvoir bâti sur la valeur de l’argent. Plus grave encore, il existe des écologistes qui sont en faveur du libéralisme économique et de la croissance ; pensant qu’il suffit de produire et d’acheter des écoproduits et de recycler les déchets pour échapper à l’apocalypse environnementale. Si elle est réaliste et solidaire la décroissance n’est pas pour autant populaire.
Qu’est ce que le concept d’objection de croissance ou la décroissance ? C’est une théorie économique que nous devons au roumain Nicholas Georgescu-Roegen (1). Son ouvrage majeur, The Entropy law and the Economic Process est paru en 1971. Inventeur de la bioéconomie, Georgescu-Roegen est l’un des premiers économistes évolutionnistes, à avoir souligné que les ressources terrestres qui sont en quantité limitée, rendaientt impossible la croissance économique des pays industriels à l’infini. Il a introduit le concept de la décroissance dans l’économie moderne, et proposé la décroissance du PNB des pays industrialisés ; certains parlent aujourd'hui de « décroissance soutenable ». Il ne s’agit pas de faire décroître la consommation des plus pauvres d’entre nous, mais de baisser la consommation moyenne des pays riches pour les ramener à une empreinte écologique respectueuse de la biosphère, afin d’atteindre une répartition équitable et un contrôle de la dote terrestre. Notons que le concept d’empreinte écologique est apparu dans les années 1990 et que Nicholas Georgescu-Roegen est décédé en 1994. (voir le chapitre sur l’empreinte écologique).

Les valeurs suivantes de la société libérale capitaliste sont à changer : surexploitation des ressources naturelles et des hommes ; surproduction industrielle ; ghettoïsation des plus pauvres dans des quartiers et racisme social ; déséquilibre Nord/Sud ; augmentation croissante des dépenses de santé ; augmentation du transport individuel routier, du transport de marchandises et des personnes ; mensonge et matraquage publicitaire ; appropriation des journaux et des médias par les grandes fortunes ; surconsommation de masse ; surarmement ; surendettement des consommateurs et de l’Etat ; surproduction de déchets et pollution de l’environnement ; surcapitalisation boursière ; surprofit des actionnaires et des patrons ; augmentation de la fracture sociale (quart et tiers monde). Nous pourrions augmenter la liste.

Les solutions passe par la réduction de l’exploitation des ressources naturelles et leur meilleure répartition ; le développement des énergies renouvelables ; la fin de la concentration des moyens de production par la relocalisation des outils (artisanat, paysannerie, etc.) et des échanges économiques ; la redistribution en parcelle des terres agricoles aux paysans ; une agriculture biologique ; la réduction des transports de marchandises ; l’augmentation des transports en commun ; la mixité sociale ; une production de meilleure qualité et d’écoproduits durables et recyclables ; la réduction de la pollution de l’environnement ; une publicité discrète qui ne cultive pas les envies des consommateurs, mais qui vante les valeurs éthiques et écologiques des écoproduits ; une consommation de qualité qui repose sur les besoins du consommateur ; la démystification de la consommation qui n’est pas la seule utopie du bonheur ; le désendettement des consommateurs et de l’Etat ; des médias indépendants des puissances de l’argent ; la fin de la capitalisation boursière et des prises de risques économiques inconsidérés ; le désarmement des nations au profit d’une armée onusienne ; une meilleure répartition des richesses ; l’avènement d’une société solidaire et responsable ; l’amélioration de la santé ; la baisse des dépenses publiques ; le développement de l’amitié entre les peuples ; l’arrêt de la spoliation et l’aide au Sud ; à l’identique du programme de la station orbitale internationale, une internationalisation du domaine de la recherche et du développement soutenable ; etc.

Remplacer la logique de la surexploitation et du profit, par le respect de l’humain et de la nature, résume presque ce vaste programme. Mais dénoncer un modèle économique ne suffit pas pour transformer le monde. Même si les institutions et la politique économique sont à réformer, nous ne devons pas attendre en nous croisant les bras. Il devient urgent de prendre d’autres orientations. Les partisans de la décroissance économique avec d’autres composantes qui partagent leur sensibilité, agissent au sein des collectifs et d’associations pour mettre en place des alternatives qui oeuvrent pour des nouvelles valeurs sociétales, entreprendre des luttes non-violentes pour faire respecter les droits humains et de la nature (principe de précaution).

Ainsi ce que l’on appelle la décroissance, prône pour le maintien de l’équilibre de la vie par un meilleur contrôle des activités humaines. Les objecteurs de croissance ne veulent pas remplacer l’économie productiviste libérale par une économie productiviste autogérée par le prolétariat. Ils ne veulent pas non plus que la production productiviste offre soudainement des écoproduits recyclables sans se soucier de l’empreinte écologique et sociale qu’elle engendre sur terre. Cependant, considérant que l’empreinte écologique est calculée sur la base de la population mondiale et de la biocapacité de la biosphère, la démographie humaine exponentielle actuelle ne permet pas de stabiliser l’empreinte écologie des humains, et d’avoir une économie décroissante. Une fois que l’équilibre économique entre le Nord et le Sud sera établi, l’humanité doit parvenir rapidement à limiter les naissances, pour stabiliser la démographie.

Le rôle de l’humanité n’est pas de précipiter sa propre perte en développant et généralisant sur terre une économie incontrôlée et mortifère, qui pourrait anéantir de manière irréversible la nature, si nous ne changeons pas de cap. Le mal économique est dans la mondialisation et relève peut-être d’un problème psychologique humain, d’un processus d’humanisation encore non abouti ; l’homo économicus c’est substitué à l’homo sapiens attendu. Les partisans de la décroissance économique veulent vivre dans un monde responsable et solidaire, qui permettra à la nature de se renouveler, aux générations futures d’exister, au sud de se développer, en écartant le spectre d’une apocalypse écologique. Rentrer en décroissance signifie, moins et mieux produire pour moins et mieux consommer. Nous devons travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler. Les citoyens convaincus doivent faire pression par des actions de non-violence sur les institutions onusiennes ou les autres instances internationales pour que des mesures rapides de correction économique soient prises. La Révolution de la décroissante économique ou la grande Réforme économique qui s’impose sera autant difficile à gagner, que la révolution copernicienne. Les grands réformateurs de la pensée ont prouvé qu’à chaque étape de son histoire l’humanité pouvait avancer. Gandhi qui a délogé les Britanniques de l’Inde a démontré, que rien n’est impossible sur terre (voir le chapitre sur la non-violence).

(1)Nicholas Georgescu-Roegen (1906 – 1994) est né en Roumanie et décédé aux USA. Il passe sa thèse de docteur en statistique en 1930 à la Sorbonne. Il enseigne à l'université de Bucarest et furtivement à Strasbourg, 1977-1978 et à l'Iued de Genève en 1974, et occupe d'importants postes dans la fonction publique de son pays. Sa rencontre avec son maître J. Schumpeter à Harvard au milieu des années 1930 l'oriente vers la science économique. Il émigre aux États-Unis en 1948 où il fait une carrière de professeur d'écono­mie à l'université Vanderbilt de Nashville (Tennessee). Son livre majeur, The Entropy Law and the Economic Process, a été publié en 1971. Son oeuvre est présentée et commentée sur internet sur les Sites:
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html
http://www.decroissance.org/index.php?chemin=textes/grinevald