La sûreté du citoyen français
La sûreté est un droit fondamental qui
protège les citoyens contre les arrestations, les emprisonnements et les
pénalités arbitraires. Historiquement, le droit à la sûreté individuelle
s'oppose à la tradition de l’Ancien Régime et des « lettres de
cachet », qui permettaient au roi d'emprisonner quelqu’un selon son bon
vouloir, sans mandat donné à la force publique par un magistrat. La notion de
sûreté des sujets du roi est présente dans la Grande Charte anglaise ou Magna
Carta de 1215. En 1679 le parlement anglais rappelle la notion de sûreté
personnelle dans l’Habeas corpus. La Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 ne l'oubliera pas : « article II – Le but de toute
association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté et la résistance à l’oppression. » La Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 énonce
une liste de droits et libertés fondamentaux que doivent respecter toutes les
autorités des États européens dans son article 5-1- dit « Toute personne a
droit à la liberté et à la sûreté. Nul de peut être privé de sa liberté, sauf
dans les cas suivants et selon les voies légales (...) ».
Ainsi, le projet gouvernemental de fin 2015, qui consiste à
constitutionnaliser l’état d’urgence pourrait s’avérer anticonstitutionnel,
c’est-à-dire rejeté par le Conseil constitutionnel. De plus, les lois sont des
outils juridiques qui n'écartent pas les mauvaises politiques. Les attentats
terroristes de Paris de 2015 relèvent de l'incurie de l'État, pas d’une réforme
qui consiste à faire rentrer l’état d'urgence dans la Constitution, ou à
déchoir de la nationalité française des condamnées pour terrorisme et crime
contre la Nation ; alors que l'article 23 du code civil le prévoit déjà selon le
professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau (Le Point.fr du 23/12/2015).
Aujourd'hui, l’état de siège de l’article 36 est prévu en cas de
crise grave, lorsque la France est attaquée ou fait l’objet d’une insurrection
armée. Il prévoit le transfert des pouvoirs civils de police à l’armée, ainsi
que la création de juridictions militaires. Il ne peut concerner qu’une partie
du territoire. Aujourd’hui l’état d’urgence est défini par une loi de 1955, il
doit être instauré par un décret et il faut une loi pour le prolonger au-delà
de douze jours. Cet état restreint fortement les libertés publiques avec la possibilité,
sans mandat de la justice de : faire des arrestations arbitraires, d'interdire
les manifestations publiques, de perquisitionner de jour comme de nuit,
d’instaurer un couvre-feu, d’assigner à résidence, de fermer des salles, des
bars, d’interdire des réunions, de contrôler la presse et la radio… ce qui
rappelle le « Patriot Act » voté aux États-Unis après le 11 septembre 2001, qui a fait couler beaucoup d'encre dans les associations qui défendent les libertés fondamentales.
L’article 16 - l’un des plus controversés de la Ve République -
octroie au président de la République des « pouvoirs exceptionnels » lorsqu’une
menace « grave et immédiate » pèse sur « les institutions de la République,
l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de
ses engagements internationaux ». Mis en place par le général de Gaulle, il a
été appliqué lors du « putsch des généraux » en 1961 pendant la guerre
d’Algérie. Les pleins pouvoirs avaient alors été accordés à de Gaulle de fin
avril à fin septembre. (Le Monde.fr, 16.11.2015).
Ces régimes d'exception d'un autre âge instaurent une forme de
dictature temporaire de l'État, qu'il n'est pas raisonnable de prolonger, car
une constitution sert à organiser et à limiter le pouvoir du gouvernement et du
président. Nous ne sommes plus au Moyen Âge. Ces régimes d'exception sont
contraires à la sûreté des citoyens, parce qu'ils abandonnent le principe
démocratique, qui veut que la république reste sous le contrôle du peuple ou de
ses représentants. La preuve le
15 décembre 2015 le ministère de l'intérieur faisait le bilan suivant :
2700 perquisitions administratives, 488 procédures judiciaires
ouvertes, 334 personnes interpellées, 58 condamnations prononcées,
etc. Mais la section antiterroriste du parquet de Paris n'avait
ouvert que deux enquêtes préliminaires.
(delinquance.blog.lemonde.fr, cité par J-J Gandini dans Le Monde
diplomatique de janvier 2016)